Après un verre de cidre pour se donner du courage, c’est Łukasz qui a entamé les discussions en présentant un essai de Jacques Le Goff, grand médiéviste français, intitulé L’Europe est-elle née au Moyen Age ? Dans cet essai brillant, Jacques Le Goff tente de comprendre les racines de ce que veut dire être européen à partir d’événements qui ont eu lieu au IVe siècle. Cette Europe médiévale, qui nous est lointaine et dans laquelle les frontières entre les mythes et le réel étaient encore floues, porte en elle tout le terreau, toutes les divisions qui sont apparues après l’éclatement de l’Empire romain d’occident en 476. La langue latine fut l’un des socles sur lesquels l’Europe a construit son unité.
Cet essai est empruntable à la médiathèque.
Le Moyen Âge a aussi intéressé Agnieszka qui nous a présenté deux romans historiques de Clara Dupond-Monod. Le premier intitulé : Le roi disait que j’étais diable raconte la vie d’Aliénor d’Aquitaine, duchesse d’Aquitaine, comtesse de Poitiers et qui fut reine de France et épouse de Louis VII. Aliénor était une femme forte, contrairement à son mari qui ne devait à l’origine pas être roi et était surnommé « Le Pieux ». Ils participèrent ensemble à la deuxième croisade qui fut un échec et qui vit apparaître les premières tensions au sein du couple. Finalement, le divorce est prononcé, Aliénor est alors la première reine divorcée de l’histoire. Peu après, elle épouse Henri II d’Angleterre, rival politique de Louis VII.
Le Roi disait que j’étais diable est empruntable à la médiathèque.
Le deuxième roman qui est la suite du premier s’intitule La Révolte. Ce roman raconte l’histoire du fils d’Aliénor et d’Henri II, Richard cœur de Lion, qui rejoint à partir de 1173 la révolte de ses frères contre leur père, roi d’Angleterre, poussés en cela par leur mère, Aliénor. Ces deux romans parlent aussi des différentes cultures et langues présentes sur le territoire de la France. La langue d’Oc parlée et favorisée par Aliénor d’Aquitaine notamment au travers de la poésie des troubadours, et la langue d’Oïl, parlée dans le nord et par Henri II.
La Révolte est empruntable à la médiathèque.
C’est ensuite Natasha, notre animatrice du club de lecture qui a profité de cette occasion pour parler des femmes dans l’histoire avec Les grandes oubliées, Pourquoi l’histoire a effacé les femmes, un essai de Titiou Lecoq. Contrairement à Aliénor d’Aquitaine qui est restée célèbre, de nombreuses femmes : chevaleresses, autrices et bâtisseuses de cathédrales ont littéralement été radiées des livres d’histoire. Cet essai tente de les réhabiliter. Il s’appuie en cela sur des sources très sérieuses et montre que les droits des femmes ne sont pas forcément allés crescendo avec le temps comme l’habitude nous le fait penser.
Ce livre est empruntable à la médiathèque.
Cette relecture de l’histoire est aussi le grand thème de l’essai qu’a présenté Igor : Au commencement était… de David Graeber et David Wengrow. Le premier est un grand anthropologue américain, le second est archéologue. Ce livre long et très riche fait la critique de la manière dont on nous présente l’histoire, toujours racontée de manière linéaire et évolutionniste. Cette manière de simplifier l’histoire en flux de causalités inévitable est héritée d’une longue tradition philosophique, dont les plus grands représentants sont Hobbes et Rousseau (qui par ailleurs s’opposent en tout point). La « véritable » histoire de l’humanité, et ce sont les dernières données archéologiques qui en attestent, est faite de « progrès » ponctuels et de « retours en arrière » qui ont coexisté pendant des millénaires. En s’intéressant au passé lointain de l’humanité, les auteurs nous dotent de perspectives pour d’autres futurs en nous libérant de la fatalité progressiste qui entrave notre imagination et nos volontés.
Zofia nous a parlé de deux livres, d’abord du long poème Nous l’Europe : Banquet des peuples de Laurent Gaudé.
« Nous sommes fils et filles de la sédimentation des siècles. »
Fille de l’épopée et de l’utopie, l’Europe dont le cœur ardent battait lors du printemps des peuples en 1848, a aussi flanché pendant la Shoah, les guerres, la colonisation. Ce long poème de Laurent Gaudé nous invite à renouer avec notre humanisme avec un rythme rapide, révolté et une mélodie propre.
Ce livre est empruntable à la médiathèque.
Dans La Promesse, Marie de Lattre nous raconte l’histoire de ses grands-parents morts à Auschwitz après être passés par Drancy. Elle recherche des bribes de l’histoire de sa famille, qu'elle apprend tardivement à la mort de son père lorsqu'elle hérite d'un tas de lettres. Jacques, son père a toujours refusé avec violence de parler de son enfance.
Ce livre est empruntable à la médiathèque.
Grégory, fidèle à son habitude de lecteur avide, nous a également présenté deux livres : Nikolaï Rezanov, Le rêve d’une Amérique russe d’Owen Matthews et L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni.
Ce premier récit nous raconte la vie d’un aristocrate russe : Nikolaï Rezanov, véritable aventurier, explorateur et diplomate du début du XIXe siècle. Cet homme, qui était proche de la cour impériale russe, hérita de la très riche Compagnie des fourrures, qui faisait notamment le commerce de fourrures de phoques dans différentes zones d’influence de l’empire russe. Il fut aussi pendant un temps ambassadeur de Russie au Japon. Plus tard, il reçut l’autorisation de l’empereur Alexandre 1er d’étendre les activités de sa compagnie en Amérique du Nord. Il compose alors un équipage hétéroclite et s’implante en Alaska. Ce récit raconte, dans le contexte des guerres d’influences des empires coloniaux, la tentative d’implantation de la Russie en Amérique du Nord.
Ce livre est disponible en emprunt à la médiathèque.
Le second roman est écrit par Alexis Jenni qui fut professeur de biologie de Grégory. L’art français de la guerre, prix Goncourt 2011, est le premier roman de cet auteur. Le narrateur, un jeune homme, se lie d’amitié avec un vieux monsieur et ancien militaire ayant survécu à l’insurmontable. Le jeune homme va apprendre la peinture chez ce vieux monsieur. C’est une réflexion autour de l’utilité de la guerre et de la colonisation. Le livre est truffé de détails sur les contextes liés aux différents moments de sa vie.
L’art français de la guerre est disponible et empruntable à la médiathèque.
Ensuite, ce fut au tour de Rares de présenter le roman d’Alexandre Lapierre, Artemisia, biographie de l’Artemisia Gentileschi. Cette femme fut peintre à Rome au début du XVIe siècle, fille d’un illustre peintre de l’école du Caravage, Orazio Gentileschi. A cette époque il y a un débat pour savoir si les peintres sont des artistes ou des ouvriers. L’Église est alors très puissante et c’est à travers elle que les peintres obtiennent des contrats. Au début de sa carrière de peintre, Artemisia fut violée par un collaborateur de son père. Elle a attaqué cet homme en justice, ce qui était inédit à l’époque. Le nom de Gentileschi a souffert de ce procès, si bien qu’il a aussi acté la séparation entre père et fille. Artemisia a continué son activité de peintre à Florence, chez la famille des Médicis, où elle a fini par dépasser son père en termes de talent.
Enfin, de nouveaux arrivants au club de lecture prirent la parole. Joanna nous parla de Korona d’Elżbieta Cherzińska, la reine du roman historique en Pologne. Korona, la couronne en polonais, est une série de livres aux scénarios extrêmement bien ficelés dont on pourrait faire un film. Ce sont des livres basés sur l’histoire de la Pologne, ici plus précisément sur la dynastie des Piast. L’autrice fait une recherche approfondie sur les faits en consultant bon nombre de spécialistes et archéologues. Elle s’attache à montrer le côté humain des personnages et insiste également sur le rôle souvent oublié des femmes dans l’histoire. Ces romans ne sont à ce jour pas édités en français.